Budapest, hiver 1975, par Bertien van Manen, photographe

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© Bertien van Manen / MACK

I will be Wolf est une série photographique noir & blanc de Bertien van Manen (née en 1942) effectuée en Hongrie en 1975.

Référence à un vers du poète révolté Jozsef Attila (mort en 1937 à l’âge de 32 ans écrasé par un train près de Budapest), les images de la photographe hollandaise ont un parfum de nostalgie ambigu, montrant un monde préservé du rouleau compresseur de la société de marché, mais emprisonné dans une glaciation armée.

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© Bertien van Manen / MACK

Le charme de ses compositions est cependant indéniable.

Un homme marche péniblement dans la rue, aidé d’une canne. Les trottoirs sont vastes, il y a peu de véhicule, fors une Traban vide garée sur le bas-côté. Il y a de l’espace, un fin brouillard. Il doit faire froid, temps propice aux ruminations, aux idées fixes. Le spectateur entre dans le cadre, il y a de la place pour lui.

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© Bertien van Manen / MACK

La modestie des images, la quotidienneté des situations (nourrir des pigeons, repeindre un mur, vendre, servir, acheter, attendre, porter, conduire), ne doit pas tromper. Il y a ici un concentré de vie, l’effort de chacun pour se tenir à peu près debout dans la vie, qui est un défi, qui est un miracle.

Format unique des images, mise en page sobre – ouverture de fenêtres de réalité sur fond blanc -, I will be Wolf est un travail attentif aux gestes les plus simples, aux activités les plus prosaïques, Bertien van Manen photographiant au rythme de la marche et de ses découvertes.

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© Bertien van Manen / MACK

Ses protagonistes regardent l’objectif, souriants, inquiets, curieux, sans que jamais l’artiste ne cherche à masquer sa présence, étranger, badaud, regardeur complice.

Un monde s’ouvre qui n’est plus, désuet et pourtant à bien des égards bien en avant de nous-même, car dénué du cynisme dont nous sommes quelquefois, souvent, les détenteurs, nous qui nous croyons quelque chose alors que nous ne sommes vraiment que dans le partage du rien.

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© Bertien van Manen / MACK

Sur les étals, des fruits pourris depuis longtemps, digérés, avalés par le grand cycle de la vie, entre naissance et évacuation, comme les peaux et les visages des ouvriers de la rue observés avec fraternité, et la conscience d’un même échange de précarité.

Nombre d’images sont légèrement floues, car la photographe va vite, cherchant à saisir les pulsations de l’existant, son incessante agitation, son affairement.

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© Bertien van Manen / MACK

La rue en Hongrie est grave, mais aussi facétieuse, comme une Vénus d’albâtre posant nue sous les flocons de neige.

Un homme se ronge les ongles au volant de sa voiture, un couffin posé sur la banquette arrière. Que deviendra l’enfant ? Quel avenir imaginer pour lui, avec lui ?

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© Bertien van Manen / MACK

Un horloger travaille dans sa boutique en fumant une cigarette, un autre espère un client.

Une librairie, une pharmacie, une brasserie, une salle de restaurant, et partout le soin mis à se vêtir, le respect dû à l’autre, nos grands-parents à l’heure du déjeuner dominical cachant par l’apparat des plats et des habits une mélancolie dangereuse quand on a déjà tant vécu.

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© Bertien van Manen / MACK

Les images de Bertien van Manen sont les photogrammes d’un long plan-séquence hongrois, la saisie d’instants volés, donnés, capturés à l’occasion d’une errance de plusieurs jours en hiver.

Bertien van Manen, I will be Wolf, direction éditoriale Stephen Gill, MACK (Londres), 2017, 64 pages

Site de Bertien van Manen

MACK Editions

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© Bertien van Manen / MACK

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