La c/douleur des extases

Extrêmes et lumineux n’est pas un recueil de poèmes, mais assurément un livre de poète, texte à performer autant qu’à lire.

Composé de blocs de paragraphes enchaînés selon un habile dispositif en enjambements (mots coupés en leur milieu), le premier roman de Christophe Manon semble emporté par un flux verbal charriant souvenirs d’allure autobiographique et fantasmes, des scènes de sexe cru – fraîches et chaudes extases des animalcules que nous sommes – ponctuant, telles des explosions de beautés pornographiques, un texte où s’inventent des tableaux d’hier et d’aujourd’hui, et dont les couleurs sont trop vives pour laisser place à la moindre nostalgie.

On peut ouvrir Extrêmes et lumineux sans suivre la pagination, commencer même à le parcourir la tête à l’envers, vivre une expérience, puisqu’ici compte avant tout le degré de présence du sujet – écrivain, lecteur, personnage.

Ça sonne, ça se dissémine, ça se multiplie, force cinétique des phrases, flot de langage créant ses propres jeux typographiques, alliage inédit entre autotélisme et trouées (prise interprétative, stupeur du sens).

Imaginez : conduire une locomotive, freins lâchés, bête humaine, triomphe de la chair, Ali Baba des mots accouplés/découplés.

Non, on ne peut pas imaginer, il faut lire, et s’étourdir.

Un extrait, au hasard : « eule congestionnée de ce flic : cheveux blonds coupés en brosse très courts, genre militaire, mâchoire inférieure massive et carrée, petits yeux bleux enfoncés dans leurs orbites scintillants de cruauté sadique, assis à cheval sur son torse, cognant sur son visage de toutes ses forces, pouvant sentir sur son front son implacable haleine chargée de mauvais alcool, tandis que deux autres flics le maintiennent à plat ventre, bras et jambes immobiles, l’empêchant de se débattre : »

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Christophe Manon, Extrêmes et lumineux, Verdier, 2015, 188p

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Merci à Graham Clark pour l’image mise à la une de cet article

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