La photographie comme une bénédiction, par Israel Ariño

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copyright Israel Ariño

Avec La pesanteur du lieu (éditions Anomalas, Domaine de Kerguéhennec, 2017), le photographe catalan Israel Ariño radicalise ses lignes esthétiques.

Plus noir, plus plastique, plus crépusculaire encore que l’ouvrage Le nom qui efface la couleur (Filigranes Editions, 2014), La pesanteur du lieu invente un territoire au bord de l’effacement.

Arbre_tumbat
copyright Israel Ariño

Dans la nuit d’un crépuscule sans retour apparaissent des arbres, des corps, des géométries, qui sont des amers pour les égarés, et des épures pour les amoureux de l’art classique ayant beaucoup regardé John Constable,  Edward Hopper et Carl André.

Debout sur une table de pierre, un enfant, tête penchée en arrière, semble au bord de l’extase.

Sur l’autel de sacrifice – appelons cela un livre réussi -, vivants et morts s’apprêtent à la métamorphose.

Noemi
copyright Israel Ariño

Israel Ariño photographie des îles, isolant des arbres, des roches, des bâtiments, des cerfs sur une tapisserie usée, quelques humains, des rescapés.

L’obscurité intense désoriente.

Il y a des flottaisons de tissus, des gazes métaphysiques, la présence de ciels tourmentés, la souveraineté d’une nature sans condition, un sein nu comme une possibilité d’innocence.

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copyright Israel Ariño

Livre à la couverture parcheminée, La pesanteur du lieu est un ensemble de textures – des feuilles de quasi transparence sont intercalées entre les images -, une enivrante danse des voiles.

Une chouette nous contemple, bien moins effarée que nous.

Bien entendu, c’est une déesse, qui, dans l’album La pesanteur du lieu, nous tourne le dos.

Aucune tonitruance ici, mais un silence intérieur, des présences fortes et discrètes, que le noir et blanc rend fantomatiques.

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copyright Israel Ariño

Alliance du petit point humain et de la vastitude.

Le brouillard de Zeus, l’assembleur des nuées.

Une spiritualité pudique mais omniprésente, nimbant chaque chose d’une aura magique.

Le dripping des ramures.

Le souvenir de fêtes galantes dans un parc lointain.

Une attente.

Des routes.

Des labours d’eau.

La nature dessinant à ciel ouvert.

Antilops_flottant
copyright Israel Ariño

Israel Ariño photographie comme on imagine en poésie un tombeau, qui est une célébration du passage, un éloge de la fragilité.

Lucrèce appelait figura ces signes annonciateurs d’un destin inconnu.

Il se pourrait bien que les photographes, à leur plus haut niveau, malgré eux, ait la capacité oraculaire  d’entrevoir ce qui vient, le mouvement dans la tapisserie, le festin des dieux se repaissant de notre peu de réalité, pourtant si pesant.

Les images d’Israel Ariño sont enceintes des formes de notre futur.

Ce sont des bénédictions, des présages.

Et le Christ Pantocrator de sourire gravement de notre désarroi devant les preuves d’une sainteté que nous n’osons pas reconnaître.   

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Israel Ariño, La pesanteur du lieu, Editions Anomalas, Domaine de Kerguéhennec, 2017

Site d’Israel Arino

Ediciones Anomal

Domaine de Kerguéhennec

Exposition La pesanteur du lieu, Galerie VU’ (Paris), du 15 septembre au 21 octobre 2017

Galerie VU’

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Israel Ariño, Le nom qui efface la couleur, texte de Sylvie Durbec, Filigranes Editions, 2014

Filigranes Editions

Exposition Traversé(e)s – Résidence 1+2, Musée Paul-Dupuy (Toulouse), du 14 octobre au 19 novembre 2017 – Israel Ariño exposera aux côtés de Leslie Moquin et Christian Sanna

Résidence 1+ 2

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